Articles de thierry-mariedelaunois
Dans Partage II
Littérature voix haute, par Thierry-Marie Delaunois
La Foire du Livre de Bruxelles de cette année a fermé ses portes le 2 mars dernier avec une fréquentation en recul mais malgré tout 60000 âmes au compteur, des âmes de visiteurs venus à la rencontre du livre et c'est sans compter les accès gratuits par l'entrée des artistes...pardon, des auteurs, exposants, journalistes et autre privilégiés ou profiteurs de toutes espèces qui n'ont pas déboursé les neuf euros du tarif weekend.
Si l'on se permet de tirer des conclusions de ce succès, même mitigé, de cet événement annuel, on notera que la chose littéraire conserve un étonnant et puissant attrait auprès d'un public que l'on pensait détourné du livre, civilisation des écrans oblige; également présent ce discours qui, valorisant l'instantané et la facilité, n'aurait que mépris pour le temps, long et exigeant, consacré à la lecture. Cet engouement public traduit aussi l'appétance des lecteurs pour ce qui différencie un Salon du Livre d'un banal entrepôt de ventes: les rencontres avec les auteurs et illustrateurs. Certes tous ne suscitent pas un égal intérêt: la foule peut passer sans s'arrêter devant un poète un brin fataliste face à cette indifférence tandis que des hordes de fans vont s'agglutiner dans le but de décrocher quelques mots (précieux?) et une signature d'un auteur à succès, voire du dernier people qui vient de publier une autobiographie. "Dans le champ littéraire de la modernité, la reconnaissance visuelle par un large public est un critère de valeur assimilé au succès commercial." Jérôme Meizoz, "Ecrire, c'est entrer en scène: la littérature en personne."
Malgré ces fortunes diverses, l'intérêt que suscite les rencontres avec les auteurs trahit la demande des lecteurs de ce siècle pour une littérature incarnée, portée par une voix, une présence, ce dont témoigne aussi le récent renouveau de la lecture à haute voix.
La lecture de textes littéraires, en fait notre propos de jour. Aussi loin que nous remontions dans notre mémoire, les souvenirs de parents ou d'un adulte nous lisant des histoires chacun à leur manière sont bien présents. Le rapport à cette lecture à haute voix est intime - je peux personnellement en témoigner: je pratique lors de soirées artistiques la lecture de textes de ma composition -; nous avions l'une ou l'autre histoire préférée que nous ne nous lassions pas d'écouter au grand dam de celui ou celle qui nous la lisait; l'enfant que nous étions trouvait son chemin vers des mondes imaginaires, l'important étant ce partage avec un proche qui nous emmenait au coeur d'un monde magique par le seul son de sa voix, une voix familière.
Un engouement renouvelé? On assiste actuellement à un regain d'intérêt pour la lecture à voix haute avec le foisonnement de festivals littéraires et une professionnalisation du secteur, la presse en dissertant, d'autres considérant cette pratique comme un joli remède pour faire découvrir la littérature, souvent vue comme difficile d'accès, également méconnue du grand public.
De nombreuses associations promeuvent l'oralité de la littérature depuis quelques années sans se trouver sous les feux des projecteurs et librairies, bibliothèques et maisons de poésie, du livre et du conte émaillent maintenant leur programmation de moments de lecture à voix haute, le cas en Belgique francophone, le voisin français se mettant à emboîter le pas, la chose se voyant sujet d'étude dans le monde universitaire et la recherche.
La littérature par la lecture à voix haute? Allons-y gaiement; ce n'est pas Monique Dorsel qui interpréta la Voix Humaine de Jean Cocteau qui la dénigrerait mais une autre question se pose soudain: mettons-nous bien en valeur le texte par l'intermédiaire de la voix et non l'inverse? Attention à ne point faire d'une personnalité littéraire une vedette au détriment du mot.
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