Bruxelles: 220316: "From the day inside to the day after...", par Thierry-Marie Delaunois écrivain
Par
Delaunois Thierry-Marie
Le 23/03/2016
Dans Partage II
"Personne ne peut retourner en arrière, mais tout le monde peut aller de l'avant. Et demain, quand le soleil se lèvera, il suffira de se répéter: je vais regarder cette journée comme si c'était la première de ma vie." P. Coelho, Le Manuscrit retrouvé, extrait publié ce 23 mars 2016 sur les réseaux sociaux (facebook entre autre) par l'écrivain suite au double attentat perpétré à Bruxelles, Belgique, qui a malheureusement fait près de 300 victimes dont une trentaine de morts et une petite vingtaine de blessés toujours en soins intensifs dans divers hôpitaux bruxellois...
Non, ne revenons pas ici une fois de plus sur cette atroce tragédie et les souffrances qu'elle a occasionnées, nous sommes tous suffisamment affectés ainsi, également conscients du fait que nul n'est à l'abri et que ce type de barbarie débridée peut se produire n'importe où à n'importe quel moment; penchons-nous plutôt sur les mots de Coelho, particulièrement ceux-ci: "...comme si c'était la première de ma vie." L'écrivain sous-entend-il ici, en reprenant ses mots, qu'AVANT, nous ne vivions point? Que cette vie d'AVANT n'était pas réellement vivre, que cette vie antérieure n'était peut-être que foutaises ou insignifiance? N'aurait-il pas mieux valu qu'il écrive: "...je vais regarder cette journée comme si elle était une prise de conscience, la première d'une nouvelle vie, une vie que je mènerai tambour battant avec un véritable recentrage sur l'essentiel: l'écoute, la compassion, la solidarité, le partage..."?
Dix fois déjà au moins depuis le drame, j'ai lu cette phrase sur les réseaux sociaux, sous diverses formes: "La vie continue quoi qu'il se soit produise, quoi qu'il nous arrive encore." Oui, la vie continue mais quelle vie en fait? Quel type ou quelle sorte de vie? Car la survie peut être une vie notamment pour ceux et celles qui ont peu ou point conscience que leur vie n'en est pas vraiment une si celle-ci est dépourvue de toute énergie, de toute motivation, de causes à défendre, d'objectifs à atteindre! Mais ne nous en prenons point à ces êtres touchés à des degrés divers, qui n'ont jamais souhaité que le ciel leur tombe sur la tête, et mentionnons sans hésiter que ces personnes ont malgré tout le mérite d'être toujours là, d'avoir survécu même si les aléas de la vie les ont ébranlées.
La vie continue... Celle qui nous oblige à nous lever chaque matin, à rester debout, vaillant, à avancer pas à pas en aveugle, l'objectif étant de sauver, coûte que coûte, soit notre peau, soit la face, soit les apparences face au regard des autres, ou une vie, vraie, qui nous pousse à nous dépasser, à nous surpasser en toute conscience?
Bruxelles, 22 mars 2016, l'aéroport national puis la station de métro "Maelbeek": le choc, le chaos, l'émotion, la tristesse, le traumatisme, la plongée dans un état second, de semi-conscience, de torpeur, le coeur, l'esprit et l'âme déboussolés, une seule pensée, dominante: "Nous sommes touchés, nous, ici, chez nous, c'est réel..."; j'appellerai ce jour "le Day-inside" ou "le Day-in". D'un coup la chute dans un gouffre profond et pour certains, même la plupart, le voyage pour remonter la paroi et revenir en surface ne pourra se révéler que long, très long, une aventure... Mais ce voyage "de remontée" consiste-t-il à extraire le traumatisme de l'attentat de l'esprit et du coeur, à le refouler, à l'occulter, à le zapper ou...à le digérer éventuellement? L'ingérer signifierait l'assimiler, l'accepter... "Le Day after" devrait-il être un "Day-out"? Je jette, j'oublie...non, impossible! La marque est à présent là, profonde, indélébile. "Personne ne peut retourner en arrière..."
Accepter? Dans une certaine mesure, c'est-à-dire sans se laisser abattre et en conservant sa foi en SA vie ou la vie, celle que l'on s'est choisie ou celle que des circonstances jamais souhaitées nous ont imposée. Quelle que soit celle que nous vivons, le retour est possible. Emerger est possible: le voyage peut être entrepris et je crois personnellement que l'assimilation en notre âme de ces tragiques événements ne signifie pas reculer, fuir, battre en retraite. Trouver un point de chute - façon de parler - à mi-chemin entre la psychose, la peur panique de constamment vivre dans une atmosphère d'attentat potentiel, et le rejet, le refoulement total qui ne pourrait mener qu'à un nouveau drame intérieur plus intense en cas de nouvelle tragédie, est possible, envisageable.
Vivre sans aucune crainte? Impossible! Vivre perpétuellement avec la peur au ventre? Pas bon du tout! Reprendre sa routine et ses activités comme si rien n'était arrivé? Très difficile également! Alors quoi? Changer de planète? Encore plus utopique! Quel est le remède? La solution?
A chacun de s'explorer intérieurement pour trouver ce qui lui correspond le mieux, ce qui lui convient le mieux en son âme et conscience si possible, ce qui, en fait, lui est conforme en tous points, en accord avec ses attentes, ses aspirations, ses désirs, ses rêves, ses objectifs. Digérer ces tragiques événements? Inévitable selon moi car la vie continue, doit continuer, le passé ne pouvant être changé. Accepter les choses? D'une certaine manière mais en restant debout, vaillant, vivant, c'est vital, et en montrant et démontrant que nous, les vrais êtres humains, ne sommes point faciles à abattre...
Quel sera à présent votre choix? Rester au fond du "gouffre" ou tenter d'en ressortir? Le voyage de retour en vaut la chandelle, même davantage...
Ce mardi 22 mars 2016 au matin, moi, l'auteur de cinq romans et d'un recueil centré sur l'humain, j'ai quitté mon appartement situé à l'Est de Bruxelles dans le but de rejoindre le métro, cette fameuse ligne à présent devenue mémorable, mais il m'a fallu faire demi-tour, le réseau venant d'être bouclé en raison d'un "incident technique", motif invoqué en premier lieu par des hauts-parleurs anonymes... Soit, mais 24h plus tard, j'ai soudain réalisé que je l'ai échappé belle: si j'étais parti de chez moi une demi-heure plus tôt...devinez la suite!
La vie? Précieuse, et rendons la précieuse pour les autres également par une écoute attentive et attentionnée...
Merci, la vie, et merci à tous ceux et celles qui sont là pour moi quand cela s'avère...vital!