Bons sentiments et crédibilité par Thierry-Marie Delaunois
Bons sentiments et crédibilité par Thierry-Marie Delaunois
Oups!
Extrait d'une réponse négative d'un éditeur parisien à un candidat à l'édition rencontré récemment à la foire du livre de Bruxelles par le webmaster de ce site: "Monsieur, nous avons lu votre manuscrit qui n'a malheureusement pas retenu notre attention. Le style limpide est agréable à lire. On sent que le texte a été très travaillé et que des recherches ont été faites (sur les lieux entre autres) avec précision. Mais cette crédibilité est effacée: à cause des bons sentiments trop présents; le ton est trop pur, aseptisé."
Réflexion personnelle: est-ce révélateur d'une époque, la nôtre, où prédominent impitoyablement l'horreur, le tragique, la corruption notamment? Lorsqu'on examine le top des ventes 2011 (par exemple) de la Fnac, on constate que les sentiments et l'humain l'emportent, preuve sur evene.fr pour l'intéressé. Où se situe la vérité? A savoir qu' une seule personne a lu le manuscrit incriminé. Ce lecteur était-il une personne ébranlée par la vie, qui ne croit plus en rien? Qui n'accorde plus aucun crédit dans le beau ou le pur? Ce serait...relativement lamentable.
L'auteur a répondu poliment à l'éditeur par courrier. Extrait choisi: "... D'après vous, trop de bon sentiments sont nuisibles à la crédibilité du récit. A cela, je répondrai que j'ai voulu aller à contre-courant de l'atmosphère actuelle. Marasme, morosité, violence, sexe, attentat, corruption, comment contrer par la littérature cet excès de négativité? Faire "voyager" le lecteur? Mon récit tend à aller à l'encontre de "cet abîme" dans lequel nous vivons par la présence de sentiments qui nous inviteraient à chercher en nous le bon, le meilleur, des idéaux de vie. Le réel, reconnaissez-le, est relativement sinistre, surtout pour les gens qui ont vécu un traumatisme ou une cruelle déception, c'est pourquoi mon roman est volontairement tourné vers un certain optimisme, recherchant également la pureté, d'où le ton que vous trouvez aseptisé. Dans le récit apparaissent pourtant des thèmes très actuels, tels la peur de l'attentat et le souvenir du tsunami de 2004; ceux-ci, selon moi, apportent de la crédibilité à l'histoire. S'ils avaient été absents, cela aurait été une vraie fable, d'accord... publier le roman aurait créé une certaine polémique et, connaissant la curiosité des gens, l'aurait fait vendre..."
Thierry-Marie Delaunois a pris le temps de lire le manuscrit refusé par cet éditeur, et une autre question est apparue: une fille peut-elle à dix-sept ans aimer à la folie un garçon et, dans la foulée, tout faire pour l'attirer? Se battre bec et ongles contre l'adversité? Tel est le thème principal du roman.
Un récit fort positif n'est-il pas publiable? Qui ne connaît pas de roman dégageant un étonnant optimisme? Le lecteur rejette-t-il systématiquement le trop bon?
Information de dernière minute: voici un extrait d'une lettre reçue d'un autre éditeur qui a refusé il y a quelque temps le même manuscrit: "...nous avons pris la décision de ne pas le publier car sa dimension littéraire ne nous a pas paru suffisamment affirmée pour susciter l'enthousiasme nécessaire à l'aventure d'une publication..." Curieux...bizarre...il y a comme une contradiction quelque part entre ces deux avis. Peut-être le second n'est-il qu'une réponse-type d'éditeur? Le mystère prévaut. (Article publié le 2 avril 2012)