Atomka de Franck Thilliez lu par Thierry-Marie Delaunois

 "Les eaux glaciales et impétueuses du torrent se dessinèrent enfin derrière les rafales de flocons. Sharko allait crever d'essoufflement. Ses yeux voyaient trouble. Certains troncs se dédoublaient, les creux et les bosses oscillaient, grossissaient, rapetissaient. Il braquait son arme partout, au moindre craquement. Du bras, il chassa la neige collée à sa joue et à son front. Son bonnet était resté accroché à une branche, quelque part, et ses cheveux étaient trempés. Ses pas pesaient des tonnes, ses pieds lui faisaient mal. Où était sa cible?" Folie? Délire de flic? Comment se terminera cette chasse à l'homme au décor plus blanc que blanc? Un journaliste découvert mort de froid dans son congélateur, sa collègue et amie mystérieusement disparue, un enfant errant dans un état de santé lamentable, des victimes jetées inconscientes dans des lacs quasi gelés, voilà une enquête démarrant ferme, qui se révèle complexe, apparemment liée au froid, aux basses températures, et à...l'atome? Enquête sombre, faisant ressurgir des vieux démons dans l'esprit de Sharko, qui nous mène bientôt à cette frontière floue, inquiétante, entre la vie et la mort.

  Froid, neige, vent, torrents, Franck Thilliez, ingénieur en nouvelles technologies et auteur de thrillers scientifiques né en 1973, nous livre ici un roman, le onzième après l'abyssal "Vertige", hivernal, accorcheur, nerveux, dans lequel Franck Sharko et Lucie Henebelle, partenaires sur tous les plans (hum...) et personnages récurrents de l'auteur, suivent une piste, au départ ténue, toutes voiles dehors, affrontant vents et marées, le cas de le dire pour le vent, piste qui les fera soudain naviguer vers d'incertaines destinations.

  Un style net, de la noirceur d'âme, des problématiques environnementales évoquées, jeu d'échec où les nerfs se révèlent bien souvent à vif, "Atomka" ne fait pas dans la dentelle: il faut des atomes crochus avec Thilliez pour le suivre d'est en ouest, et inversement: la vie, la mort, ce curieux état intermédiaire...est-ce en fait possible? A envisager? Peut-on revenir? Jouer avec la mort aussi dangereusement? La question se pose, envahissante; déjà le prologue promet: "... des couleurs bleues, oranges et rouges très vives avaient mordu le ciel." D'où provient cette subite agitation qui s'est emparée de cette ville d'Europe de l'est? Et cette inscription  - AGONIA - présage du pire... Où se situe la vérité? Franck et Lucie la cherchent, fragiles, parfois désemparés, s'interrogent. Qui dit atome dit radiations...mais encore! Lucie désire un enfant de son Franck, celui-ci aime plus que tout sa partenaire, la policière ne se laisse pas démonter, Franck souffle le chaud et le froid. Le froid, la neige, la glace...: "Sharko plissa les yeux. Le sillon d'empreintes fonçait droit vers la rive surélevée de la rivière. Etait-il possible que l'homme ait sauté là-dedans et qu'il ait traversé? Les eaux étaient grises, bouillonnantes et semblaient profondes. Droit devant, de gros rochers en déchiraient la surface, provoquant des remous puissants qui dévoraient les flocons. Le courant était fort, bien trop fort pour espérer traverser sans se faire emporter. Et pourtant, le sillon..." "Atomka" roman semblable à un sillon parfois peu net ou course-poursuite où la mort est à prendre de vitesse malgré son caractère inéluctable? L'immortalité, une option? Laissons l'inénarrable Franck Thilliez nous entraîner droit vers cette autre rive, affrontons rochers, remous et courant. "Atomka" en rayon de librairie? Attention: l'exposer, c'est peut-être s'exposer...aux rayons!

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