La Fille qui lisait dans le métro, de Christine Féret-Fleury, par Thierry-Marie Delaunois
La Fille qui lisait dans le métro, de Christine Féret-Fleury, par Thierry-Marie Delaunois
"Debout dans le wagon bondé, Juliette sentait le sac de toile qu'elle portait en bandoulière meurtrir son flanc, juste entre les côtes et sa hanche gauche. Les livres, se dit-elle, tentaient de pénétrer en elle de leurs angles multiples, chacun poussant pour être le premier, petites bêtes captives et obstinées, et ce matin, presque hostiles. Elle savait pourquoi..." Mais que fait Juliette dans le métro avec tant de livres? De la vente sauvage d'ouvrages rebelles et/ou interdits?
Roman relativement bref au style printanier, au discours vif et pensé à deux niveaux - avec digressions et réflexions en parallèle -, de nombreuses références littéraires non les moindres l'émaillant, "La Fille qui lisait dans le métro" de Christine Féret-Fleury, écrivain également boulimique de lectures, nous livre sur sa quatrième de couverture cette réflexion: "Que vous aimiez lire dans votre bain ou par-dessus l'épaule de votre voisin, laisser votre roman dans un wagon de métro ou l'offrir à votre meilleure amie, partager vos lectures en famille ou seulement à deux, que vous collectionniez les marque-pages, les éditions rares ou les "poches" d'occasion, alors ce livre est fait pour vous." A coup sûr? Comment s'en convaincre sans l'avoir préalablement ouvert et même feuilleté? Féret-Fleury n'en est point à un coup d'essai avec ce récit qui tend à nous démontrer que le livre est un "ami de papier" accompagnant fidèlement son lecteur pour soit le réjouir, soit le consoler tout au long de la vie, mais est-ce un critère suffisant? Un gage de petit bonheur littéraire à croquer? A lire ou à écarter d'office, "La Fille qui lisait dans le métro?
Au détour d'un chapitre, nous apprenons que paradis est un mot qui vient du persan. "Pairidaeza" signifie "jardin clos". Entrons-nous ici dans un pur huis clos d'émotions, de sentiments et de vagues à l'âme canalisés par l'univers "livresque" de l'ouvrage où les mots dansent sans frein jusqu'à la totale ivresse? Juliette, qui aime observer son entourage occupé à lire, qui prend quotidiennement le métro à la même heure, le quitte un jour deux stations avant son arrêt habituel pour aboutir inopinément dans une curieuse libraire "Livres sans limites" où elle fait la connaissance de Soliman et de sa fille Zaïde. Deux êtres à part, peut-être tombés d'une lointaine planète? Pour Juliette, c'est le vertige, le choc, une découverte! Et quel rôle joue exactement dans cette aventure Léonidas, l'étrange lecteur au chapeau vert tout aussi féru de littérature que Soliman? Quoi qu'il en soit, le pas de côté de Juliette l'amène finalement à changer de cap: "...En rentrant chez elle, la veille - elle avait fini par téléphoner à l'agence pour dire qu'elle ne se sentait pas très bien, non, non, rien de grave, un truc qui n'était pas passé, une journée de repos la remettrait -, elle les avait fourrés sans cérémonie dans la grande besace du vendredi, celle des courses, vait tiré la fermeture à glissière, puis posé le sac devant la porte d'entrée, avec son parapluie dessus, car la météo de la semaine s'annonçait tristounette..."
Lire ou ne pas lire ce roman en fin de compte? Démarrez sans délai cette lecture dans le métro de préférence, le pouvoir des mots fera le reste, il vous entraînera dans un pittoresque conte autour du livre, où la réflexion est loin d'être absente, et poussez sans hésiter cette haute porte de métal rouillé qu'un livre maintient entrouverte, la porte du domaine de Soliman où vous vous rappellerez sans nul doute cette citation de J.L. Borgès: "J'ai toujours imaginé que le paradis serait une sorte de bibliothèque." Tout âge admis!