La porte du ciel, de EE.Schmitt, par Thierry-Marie Delaunois
La porte du ciel, de EE.Schmitt, par Thierry-Marie Delaunois
"La façade continuait à se désagréger, les escaliers se fendaient, les revêtements cédaient, les esclaves dégringolaient telles les noix de l'arbre. Pourtant, aussi horrible que cela fût, cela restait superficiel. Une autre force évidait l'intérieur. Elle l'avait rongé..." Est-ce ici une description du début de l'apocalypse ? Celle qui ne laisserait derrière elle aucune trace de civilisation ?
Les immortels Noam et Noura, le tyran Nemrod, la fantasque reine Kubaba, l'énigmatique sorcier Gawan, le jeune et intelligent Maël, le fier et brave Abram, tels sont les principaux personnages qui traversent "La Porte du ciel", deuxième volet de l'ambitieuse saga "La Traversée des temps" imaginée par Eric-Emmanuel Schmitt, qui nous emmène au coeur de la Mésopotamie, le pays des Eaux douces, la domestication des fleuves, l'irrigation, les premières villes, l'écriture, l'astronomie y naissant, témoins d'une époque agitée, même bouillonnante. Entre son propre bonheur et les conquêtes de la civilisation, que préférera Noam ?
"La disparue", "Nemrod", "Abram" et "La Tour" sont les différentes parties de l'oeuvre séparées par un épisode se déroulanrt à notre époque et il se passe tant de choses dans ce volet enlevé qu'il est de loin préférable de ne rien conter ici pour ne point briser les suspense et anéantir les effets de surprise. Car l'auteur est un incomparable narrateur et brillant dramaturge. C'est un réel défi que d'entrer dans l'Histoire par des histoires et l'on s'attache ou l'on s'identifie, ça et là, aux personnages. L'imagination au pouvoir.
L'oeuvre est unique en son genre, nous menant d'un monde à un autre dans le craquement des cultures, accidents, évolutions, révolutions, mutations, événements majeurs y foisonnant, réalité et fiction se mêlant : "...ces avaries appauvrirent la terre. La nourriture se raréfia. Elle manqua aux humains, comme aux boeufs, vaches, moutons - les chèvres s'en tiraient, car les chèvres s'en tirent toujours. Abram, heureusement, orientait nos déplacements..."
La tour de Babel, cet inouï projet - porte sur le ciel, était-il trop ambitieux ? Qu'est-ce qui motivait le roi Nemrod lorsqu'il s'est mis à envisager la construction de cette tour digne d'une tour infernale ? Etait-il dès sa conception voué à l'échec ? De son côté, Noam recherche fougueusement celle qu'il aime, enlevée dans de troubles circonstances. "L'éternité n'empêche pas l'impatience" nous révèle la quatrième de couverture de l'ouvrage parcouru de bout en bout de nombreuses notes explicatives parfois dignes d'une encyclopédie traversant à la fois l'espace et le temps. Bon voyage !