Le sixième sommeil, de Bernard Werber, par Thierry-Marie Delaunois
Le sixième sommeil, de Bernard Werber, par Thierry-Marie Delaunois
"Jacques Klein s'avance vers le caisson d'isolation sensorielle, sorte de baignoire en plastique contenant de l'eau salée pour maintenir l'onironaute en état de flottaison, sans le moindre contact avec la matière dure. Ce caisson a son propre système de régulation thermique et c'est Eric Giacometti qui se charge de le contrôler. De nombreux câbles reliés à tout un appareillage électronique - caméras infrarouges, scanners, capteurs - s'échappent par un orifice situé au pied du caisson. Ils sont connectés à un ordinateur où convergent toutes les données... Après plusieurs minutes de concentration, Jacques Klein se sent prêt. Et entre dans le sarcophage..." Pour qu'y faire? Un voyage à travers l'espace-temps par l'intermédiaire du rêve? Que cherche Jacques et quel est donc ce sixième stade du sommeil qui l'intrigue tant?
1. Assoupissement
2. Sommeil léger
3. Sommeil lent
4. Sommeil très profond
5. Sommeil paradoxal, nous le connaissons bien, il s'agit de celui dans lequel nous rêvons, que nous conservions ou pas le souvenir de nos rêves à notre réveil.
6. Celui qui se situe tellement loin de l'état d'éveil et si proche de la mort clinique est-il celui de tous les dangers et/ou de tous les possibles?
La question que se pose et que nous pose Bernard Werber, auteur de nouvelles, scénarios, pièces de théâtre et romans de "philosophie fiction" également journaliste scientifique, son leitmotiv: chercher à comprendre la place de l'homme dans l'univers, est la suivante: "Si du plus profond d'un rêve vous puissiez revenir en arrière et rencontrer celui ou celle que vous étiez vingt ans plus tôt, et que vous ayez la possibilité de lui parler, que lui raconteriez-vous?" Serait-ce le blanc total sous l'effet de la stupéfaction?
Roman "captivant, audacieux et visionnaire" (Philippe Vallet, France Info) divisé en trois actes - Apprenti dormeur, Compagnon rêveur, Maître onironaute -, "Le sixième sommeil" de Bernard Werber, phénomène de notre littérature contemporaine qui a commencé à écrire dès l'âge de seize ans, est d'une construction habile, astucieuse, l'auteur ne laissant aucune place au superflu, chaque élément ayant en temps et en heure un rôle à jouer sur l'échiquier qu'il nous a concocté, chaque pièce ou pion tôt ou tard concerné, de près ou de loin, dans le succès de l'entreprise de Jacques Klein. Ou échec?
Klein comme Calvin Klein? Les touches d'humour ne sont point absentes, Werber ayant accompagné l'écriture de son oeuvre de musique, la neuvième de Dvorak et l'album Golden Age de Woodkid notamment, et annexé une postface qui présente les circonstances de la genèse de son ouvrage. Le style? Simple, sans effets spéciaux, il nous accroche, nous menant entre autre sur une étonnante île de sable rose où vit un curieux personnage plus âgé que lui, qui semble bien le connaître. Les personnages justement? Gravitent autour de Jacques sa mère Caroline, chercheuse scientifique et thérapeute du sommeil, Eric Giacometti, le rigoureux patron de Caroline, Charlotte, une amie, Justine, une singulière junkie, les Sénoïs, un peuple d'aborigènes, et ceci sans compter sur la présence dans l'ombre de quelques personne mal intentionnées qui ne manquent pas de lui mettre des bâtons dans les roues.
Mais finalement qui ou que faut-il croire? "Nous ne voyons et n'entendons qu'une infime partie de ce qui existe vraiment. Si la réalité est une croyance, le rêve est la libération de toutes les croyances". Pour notre ami Jacques, ce caisson d'immersion deviendra-t-il son cercueil ou sera-t-il...la solution? "...Il est 23 heures. L'eau est à 23 degrés. Eric Giacometti lui place une perfusion dans le creux du coude. Le terminal de contrôle des signes vitaux s'éclaire ainsi que le grand écran central où va se matérialiser le voyage de l'onironaute. Jacques inspire plusieurs fois très vite puis de plus en plus lentement. Il allonge son souffle comme un sportif s'apprêtant à battre en record..." Mission impossible? Jacques survivra-t-il à cette plongée? N'a-t-il en fait pas rendez-vous avec lui-même? Son esprit et/ou son âme? Vous n'êtes qu'à 467 pages (en livre de Poche) de découvrir si le stade six du sommeil s'avère fatal...ou s'il n'est que chimère mais sachez malgré tout que "nous passons un tiers de notre vie à dormir. Un tiers. Et un douzième à rêver." Le monde du sommeil serait-il le nouveau continent à explorer, tel un monde parallèle rempli de trésors qui méritent d'être exhumés et exploités? La réponse au stade six!