Les fêlures, de Barbara Abel, par Thierry-Marie Delaunois
Les fêlures, de Barbara Abel, par Thierry-Marie Delaunois
"L'attente débute, longue, lente, interminable. On lui a assuré que les secours étaient en route, mais Garance ne voit rien, n'entend rien. Le silence s'abat sur elle avec une violence qui la laisse étourdie. Elle se morfond, hébétée..." Un cauchemar indescriptible pour Garance pétrifiée face à ce qu'elle vient de découvrir : sa soeur Roxane et Martin son compagnon, tous les deux la vingtaine, formaient un couple fusionnel auquel tout semblait sourire et les découvrir là, ensemble, dans leur lit, suicidés, l'horreur à l'état pur ! Mais contre toute attente Roxanne s'en sort, elle est ranimée mais dévastée : Martin, lui, a succombé suite à l'injection. Quelle injection ? Ce suicide partiellement raté a, pour les représentants de l'ordre, tous les traits du meurtre parfait. Réellement ?
"Ce thriller psychologique sensible nous emmène aux confins de la raison, entre meurtre parfait, dépression, blessures venues de l'enfance et secrets trop longtemps tus.", le point de vue de l'éditorial "Psychologies" sur "Les Fêlures" de Barbara Abel, une auteure belge vivant à Bruxelles, multi-récompensée. Une réussite de plus pour Barbara ? Incertitudes, doutes, soupçons, paranoïa, stress, révélation de fêlures, le récit est dense, compact, chargé de tension et émaillé de nombreuses questions que se posent la survivante Roxane, Garance sa soeur aimante, le sensible et fragile Martin - le récit fait de singuliers et multiples sauts dans le passé -, Odile, l'autoritaire et impassible mère de Martin, et les deux policiers en charge de l'affaire. De son côté, Roxane doit aussi s'expliquer. Par quel miracle s'en est-elle tirée et pas son cher Martin ?
Habile dramaturge, Barbara tisse là une savante toile, sillonnant allègrement entre passé et présent, également entre deux familles totalement opposées: celle de Roxane, sans le sou, et celle de Martin, tout le contraire. Ce jeune couple était-il dès le départ voué à l'échec ? Et Garance a-t-elle finalement réussi à maîtriser ses nerfs lors de la découverte des corps ? "...puis regagne la chambre, se précipite vers le lit, empoigne sa soeur par les épaules, la redresse de force tout en la stimulant..." Est-ce cela qui a fini par sauver sa soeur ? L'auteure de "Derrière la haine" nous plonge ici dans d'impitoyables affres existentielles quasi insurmontables surtout lorsque l'origine des fêlures remonte à Mathusalem. La mère de Roxane était une femme violente et alcoolique, celle de Martin fière et de marbre, le jour, la nuit, traumatismes garantis sur la descendance. Pour la vie ? "Les Fêlures", une lecture qui sans conteste suscitera bien des interrogations. Que savons-nous en fait des fêlures de chacun au sein de notre propre famille ? S'y cache peut-être un être intérieurement brisé...