Sanctus de Simon Toyne lu par Thierry-Marie Delaunois

  "...il était maintenant agenouillé, aussi haut qu'il était possible de l'être sur la plus sacrée des montagnes... Et il ne s'était jamais senti aussi loin de Lui. Des images flottaient dans son esprit obscurci: des images de ce qu'il avait perdu et de ce qu'il avait appris. Alors, tandis que défilaient dans sa mémoire les paroles prophétiques gravées dans la pierre secrète du livre hérétique, il y vit quelque chose de nouveau. Ce qu'il avait d'abord pris pour une mise en garde lui apparaissait maintenant comme une révélation." Quelles paroles? Sur quelle montagne se tenait Samuel, jeune moine blessé, inquiet, manifestement en danger? Le livre hérétique, qu'était-ce donc? Une anti-Bible?

  Diplômé de littérature et de théâtre, également scénariste et réalisateur, Simon Toyne a longuement travaillé pour la télévision anglaise avant de prendre un conséquent congé sabbatique en France dans le but de réaliser son rêve: écrire un thriller. Folle aventure mais le projet de sa vie. Oeuvre mystique, premier volet d'une fresque s'inscrivant dans la lignée de Raymond Khoury ou Dan Brown, grand récit empreint de mystère, "Sanctus" ne manque pas d'atouts bien qu'il ait été, au stade de manuscrit, significativement raccourci par l'auteur.

  Des personnages assez fouillés au caractère parfois trempé, un début imprégné d'angoisse vraiment prometteur, une traduction acceptable, un bon mélange de suspense, drame et noirceur, le tout lié au profond côté historique, biblique, de l'oeuvre, et une psychologie étudiée apportent un net souffle au récit, emportant le lecteur telle une feuille d'automne au travers d'une galerie de portraits souvent hauts en couleur, parmi ceux-ci: Liv Adamsen, journaliste au New Jersey Inquirer, soeur de Samuel, jeune femme secouée par son suicide qui semble contenir un message; David Arkadian, tranquille inspecteur de police de Ruine (sud de la Turquie); Kathryn Mann, fière directrice d'une organisation caritative, qui appartiendrait à une mystérieuse communauté très ancienne; Gabriel, non l'archange mais un bel homme aux multiples talents, investi d'une mission secrète; Oscar de La Cruz, énigmatique centenaire exilé; Miriam Anata, professeur et historienne, qui en sait long sur La Citadelle, ce fort mythique où d'étranges moines, les Sancti, vivent en autarcie, protégeant, paraît-il, un redoutable secret sous la férule d'un Prélat pourtant mourant.

  Mais cette communauté de moines est censée avoir disparu depuis fort longtemps et, quand la blonde Liv débarque seule à Ruine, elle ne peut que plonger tête baissée au coeur d'un bien singulier mystère. Révélation ou apocalypse? Inspiré, Simon Toyne a mis en place ici une fresque dans laquelle on progresse lentement mais sûrement. Une fresque de tension et pas seulement de tension... Bien équilibré, narrations et dialogues s'alliant habilement, le récit s'ouvre sur une citation intriguante, qui ne manque pas de donner le ton, un ton de circonstance: Un homme est un dieu en ruine. Ralph Waldo Emerson. Mais...et Samuel? Ses... derniers instants?

  "Il avait déjà transporté hors des murs de la Citadelle la connaissance du Sacrement. Ne pouvait-il pas l'emporter encore plus loin? Il pourrait devenir l'instrument qui projetterait la lumière sur cette sombre montagne et mettrait fin à ce dont il avait été témoin. Et même s'il se trompait, si ses doutes n'étaient que la marque de la faiblesse d'un homme incapable de percevoir le but de ce qu'il avait vu, alors Dieu interviendrait sûrement..." Faut-il le croire? Laissons le lecteur en juger, même si un SIG P228 muni d'un silencieux l'attend quelque part dans l'ombre de la Citadelle. Quelque part... dans les ténèbres...

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