Incisives, de Caroline Wlomainck, par Thierry-Marie Delaunois
Incisives, de Caroline Wlomainck, par Thierry-Marie Delaunois
"...Le soir, quand je regarde le ciel, je vois briller toutes ces étoiles. Il y en a partout qui sont mortes depuis longtemps. Elles sont mortes mais elles continuent de briller. De nous donner l'impression d'être encore vivantes. Comme moi. Je suis mort avec lui..." Quelle triste nouvelles a donc appris Charlie, alias Merrick, pour se sentir à ce point dévasté ? La réponse dans "Incisives" de Caroline Wlomainck ! Incisives ? Pourquoi ce recueil de cinq nouvelles porte-t-il un titre à susciter de vives inquiétudes ?
Une écriture (et pas seulement l'écriture) cash, clash, réaliste, directe, perturbante, nous prévient la quatrième de couverture de "Incisives", ouvrage d'une auteure née en 1977 à Tournai, publié aux éditions Lamiroy, au coeur duquel les dents se font dures, acérées, coupantes. Et si nous tentions de dresser le "portrait" de chaque nouvelle en moins de deux lignes ? Pari tenu !
"Vautours" : une vieille dame manifestement fragile ; des voisins jaloux et envieux... A la clé un affrontement dont la conclusion se révèle surprenante, tension(s) de part et d'autre.
"Débordement" : un journaliste motivé et hargneux ; un PDG abject et méprisant... Le récit d'un cheminement haletant, inexorable, jusqu'au boutisme, le point de non-retour franchi, malaise garanti.
"Little paradise" : un mari égocentrique, son boulot avant tout ; une épouse esseulée, abandonnée... Un départ précipité, une fuite éperdue d'une certaine manière, l'effroi en finale.
"Eté 89" : deux jeunes ados insouciants, des amis mais... Quand le principal, l'essentiel-même, n'est pas extériorisé et mène à la rupture, à la séparation, au drame.
"Joker" : une mère ébranlée, dépressive après le départ de ses enfants ; un époux inquiet, déboussolé même... La chronique d'une descente aux enfers, d'une détresse incommensurable. Soudain une lueur d'espoir mais...
C'est sombre, parfois morbide, mais parfaitement cohérent et très réaliste : les extrêmes comportementaux existent bel et bien, nous saisissant ici au coeur, à l'âme, à la gorge quand le couperet tombe, l'auteure n'y allant jamais par quatre chemins, le langage souvent cash, clash,... "J'ai voulu la redresser. Sans succès. J'ai tiré. Soulevé. Poussé. Frappé avec les mains. Tapé avec les pieds. J'ai pris mon élan..." Quel élan ? Une profonde inspiration, préalable, est vivement conseillée au lecteur avant de s'immerger dans l'univers jalonné de vertiges et d'épisodes crépusculaires de Caroline Wlomainck. Steven (Spielberg), où es-tu ?